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Conférence Nationale des Services d’Incendie et de Secours
31 Mars 2021
Discrimination syndicale
Notre constitution considère comme un principe particulièrement nécessaire à notre temps le point suivant:
« Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. »
Nous, représentants du personnel démocratiquement élus, devons trop souvent exiger d’être impliqués comme de véritables partenaires dans la gestion de notre service public. Il est trop souvent considéré que la seule consultation formelle des instances suffit à rendre effectif un véritable dialogue social.
C’est évidemment inexact !
Cela implique que les représentants du personnel, les syndicalistes que nous sommes, doivent souvent s’exposer pour que s’établisse un dialogue social réel, c’est-à-dire un échange respectueux et constructif dans nos établissements. Accepter de prendre des responsabilités syndicales a donc un impact évident sur le regard que l’administration porte sur ces personnes.
Ici comme trop souvent le préjugé est facile et la vigilance s’impose.
L’activité syndicale expose encore aujourd’hui en France à des risques réels, collectivement comme individuellement, dans une proportion non négligeable de services d’incendie et de secours. Les retards de carrière des syndicalistes constituent la partie la plus visible, parce que donnant lieu à un contentieux régulier. L’antisyndicalisme reste largement répandu. La pénalité de carrière est une peine courante et arbitraire. Les pratiques antisyndicales sont souvent cachées ou discrètes, illégales ou illicites.
Deux évolutions sont possibles pour nos services de secours, la défection ou la prise de parole.
La défection, incite les agents des SDIS, mal protégés, peu écoutés, peu impliqués, peu représentés à quitter leur établissement. Mettre à mal les représentants des personnels en leur livrant une guérilla juridique contre les pratiques syndicales qui ne se cantonneraient pas à la représentation formelle du personnel ou en minant la carrière de leurs dirigeants favorise ce sentiment de danger potentiel et d’exclusion. Les agents des SDIS, quels qu’ils soient, ne se sentent pas partie prenante et aux premières difficultés quittent le service, physiquement ou psychologiquement, emportant avec eux leurs savoirs faire. Ils se désengagent. On cache souvent ce désastre par une idéalisation outrancière des vertus de la mobilité ou un refus de s’impliquer dans une nouvelle organisation décidée sans eux. A la machine à café, ceux qui font vraiment le travail savent parfaitement que ce sont les meilleurs qui partent les premiers…Et que la promotion de la santé et de la qualité de vie en service n’en est encore qu’au stade de la propagande officielle.
La prise de parole quant à elle implique de faire vivre le principe constitutionnel que nous vous avons rappelé au début de cette intervention. Il s’agit de donner une vraie place aux délégués du personnel en matière de détermination collective des conditions de travail certes, mais aussi, et surtout, à la gestion des SDIS. On entend souvent nos collègues directeurs poser la « co-gestion » comme une ligne rouge qu’ils ne sauraient franchir sans renier leur cadre d’emplois dit « de conception et de direction. ». On peut se référer aux expériences de Hawtorne réalisées dans les années 1930 ou le simple fait que le personnel ait conscience d’être sincèrement impliqué dans une expérience a vu sa motivation augmenter et ainsi que sa productivité…
Donner une place pleine et entière aux syndicats au-delà de la simple consultation des instances règlementairement obligatoires donnerait à nos directions et présidences une légitimité plus importante et apaiserait de nombreuses situations. Le rapport de force entre direction et organisation syndicale pourrait évoluer vers un rapport de confiance.
Nous souhaitons donc demander devant cette instance de débat qu’est la conférence nationale des services d’incendie et de secours d’une part qu’une réflexion puisse s’engager afin de renforcer la participation des organisations syndicales dans la gestion des SDIS, au-delà des seules obligations réglementaires et que d’autre part les présidents de SDIS et les préfets puissent faire cesser par leur intervention dans les plus bref délais, les situations de discrimination syndicale que nous portons depuis trop longtemps à leur connaissance et qu’en garants de l’harmonie républicaine ils ne sauraient tolérer davantage sous peine de nourrir la radicalité.
Les situations des SDIS de la Moselle, du Nord, du Morbihan, des Pyrénées Atlantiques, de Mayotte…par exemple leur sont parfaitement connues. Il ne tient qu’aux différentes autorités d’agir, elles en ont les moyens et la responsabilité.
La création du cadre d’emplois dit des Emplois Supérieurs de Direction devait redonner à la DGSCGC, selon ses propres dires, « la main sur les directeurs », il est temps que cette main du ministre de l’intérieur, fusse-t-elle dans un gant de velours soit ferme et déterminée.
Technicien de Secours et de Soins d’Urgence (T.S.S.U)
Militants de la première heure pour la reconnaissance des infirmiers de sapeurs-pompiers et plus largement pour la création des services de santé et de secours médical des sapeurs-pompiers le SNSPP-PATS promeut depuis son congrès national de 2006 la reconnaissance de la technicité des sapeurs-pompiers et un développement de leurs compétences en matière de soins d’urgence. Nous distinguons l’activité d’assistance à personne (ASSAP) de celle de secours d’urgence aux personnes (SUAP). Le très récent décret « surprise » autorisant dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire les sapeurs-pompiers non professionnels de santé à réaliser des injections intramusculaires a concrètement ouvert certaines portes et confirmé le bien fondé de notre démarche. Nos services de secours sont en capacité de procéder à un soin technique dans un cadre déterminé, encadrés par les officiers du service de santé et de secours medical qui les ont formés.
La méthode utilisée pour décider de rendre possible cette injection par ces sapeurs-pompiers, sans aucune concertation ni même information, alors même que nous étions réunis en bureau de la CNSIS la veille est détestable. Les circonstances de l’urgence sanitaire ne peuvent suffire à elles seules à justifier cette décision. C’est ici encore un paradoxe alors que sur tant d’autres sujets on nous oppose doctement la libre administration des collectivités territoriales.
Ceci étant dit, nous voudrions ici de nouveau préciser les grandes lignes de notre vision de ces TSSU.
Sur la méthode : Les textes semblent assez aboutis et circulent entre le MI et le MSS ; d’autres organisations syndicales « santé » en disposent et sont ,elles, des parties prenantes de ces évolutions.
Ce projet de décret « relatif aux actes professionnels relevant de la compétence des sapeurs-pompiers dans le cadre de leur participation à l’aide médicale urgente » prévoit un article R.6311-17 dans lequel les sapeurs-pompiers sont habilités à pratiquer des actes visant à recueillir ou permettre de recueillir les informations à caractère clinique ou paraclinique contribuant à l’évaluation de l’état de santé de la victime.
Un article R.6311-18 dispose qu’en l’absence d’un professionnel de santé, le sapeur-pompier est habilité après avoir reconnu une situation comme relevant de l’urgence, à réaliser des soins d’urgence, sur télé prescription médicale.
Ce projet de texte est fondateur car, hormis la question de l’intramusculaire autorisée temporairement dans le cadre de la vaccination contre le CoVid, il permettra pour la première fois que quelques soins, soient autorisés à des non professionnels de santé au sens du code de la santé publique.
Cela soulève évidemment plusieurs questions quant à la formation de ces sapeurs-pompiers, à leur capacité à réaliser ces gestes et surtout à les mettre en lien avec la situation clinique rencontrée dans l’intérêt de la victime et de la qualité des soins.
Penser qu’il ne s’agit “que” de gestes techniques est une erreur et cette vision est entretenue dans plusieurs discours qui, dans l’intention de minimiser la portée de ces gestes, vident le sens même du mot “soins” qui est de porter attention à une personne dans le but de l’aider à recouvrer la santé. On retrouve ici l’affrontement des paradigmes du “cure” et du “care”. Attention à l’illusion que la seule technique résume à elle seule la télésanté. Le biais technique de notre corporation est un risque.
La liste des soins d’urgence qui seront autorisés relève à l’évidence de la compétence des infirmiers. Le médecin peut en connaître les indications mais l’expertise et la sécurité de la réalisation relèvent de la compétence des infirmiers.
Il nous semble donc que le déploiement de ces nouvelles compétences dont les services de secours ont tant besoin face aux évolutions sociétales doive s’accompagner d’un réexamen approfondi du fonctionnement des services de santé et de secours médical.
Le transfert de ces compétences, l’accompagnement, le contrôle, l’évaluation des pratiques professionnelles devront donner une place reconnue aux infirmiers de sapeurs-pompiers, aux cadres de santé de sapeur-pompiers et aux médecins de sapeurs-pompiers.
Il conviendra donc, de déterminer collectivement avec l’ensemble des parties prenantes de cette assemblée, les points qui méritent une attention spécifique.
- l’adaptation des potentiels opérationnels afin de permettre le départ des engins incendie. Ces évolutions vers le TSSU doivent se faire avec des effectifs adaptés. Une baisse de la pression opérationnelle sur l’assistance à personne devrait permettre de redéployer des personnels. envisager de créer cette fonction à effectif et activité constants semble voué à de sérieuses difficultés.
- le niveau de professionnalisation des SSSM. Il s’agit du seul service des Sdis qui s’appuie autant sur le volontariat. Si ce point est un atout, le faible niveau de professionnalisation est une faiblesse. en particulier la faible reconnaissance de l’apport des cadres de santé dans leur fonction de formation en est un marqueur. La DGSCGC n’en compte d’ailleurs toujours pas dans ses effectifs et nous allons péniblement nous prononcer tout à l’heure sur la reconnaissance de la fonction d’infirmier-chef dans les SDIS. Il serait d’ailleurs intéressant que plus de 21 ans après la parution de la circulaire NOR/10/DC/00356 nous réfléchissions à l’usage que les SDIS pourraient faire des infirmiers qui se trouvent dans leurs rangs et qui ne sont pas membres du SSSM. Si nos services de secours comprennent des Infirmiers de Sapeurs-pompiers (ISP), ils comportent aussi des Sapeurs-Pompiers Infirmiers (SPI). Peut-être sont-ils le creuset de nos futurs TSSU?
- La création d’une “spécialité” afin de reconnaître symboliquement et financièrement les sapeurs-pompiers qui la choisiront. Cette spécialité doit permettre au cours de la carrière des agents des allers et retours entre “l’incendie” et “le SUAP”. Ce point fait consensus dans notre organisation. Un accès facilité aux grades d’officiers pourrait être un levier pour le volontariat.
- Un parcours professionnalisant qui permette de confier ces soins à des sapeurs-pompiers expérimentés. Se former pour devenir TSSU est un engagement personnel et un investissement fort, sélectionner des personnels expérimentés semble nécessaire, une vision de long terme doit leur être donnée.
- L’organisation opérationnelle devra quant à elle s’appuyer sur des schémas de principes que nous devons discuter. Faudra-t-il des TSSU dans tous nos VSAV ? n’interviendront-ils que dans ces VSAV ? dans tous les centres de secours ? devront-ils avoir une activité conjointe sur les vecteurs des SSSM pour garantir un haut niveau de qualité ? Faudra-t-il modifier les procédures de déclenchement ? Les SDACR, CoTRRiM et pactes capacitaires seront impactés. Le financement doit être évoqué. Les PCASDIS ne peuvent demeurer éloignés de cette évolution importante car il s’agit bien d’une évolution majeure de nos services de secours. A côté des soldats du feu il y a aussi des soldats de la vie pour reprendre une expression prononcée par la fédération nationale des sapeurs-pompiers.
Notre demande est claire. Nous souhaitons que cette assemblée se saisisse de ce dossier qui a déjà été travaillé par le ministère de l’intérieur. Il est temps que l’ensemble des représentants qui constituent cette assemblée puisse débattre de ce thème sereinement, alors qu’aucune échéance de court terme ne s’impose à nous. C’est la vocation de cette CNSIS.
Peut-être Monsieur le président pourriez vous proposer d’inscrire ce point à l’ordre du jour des prochaines CNSIS, car à n’en pas douter le débat sera nourri.
Sur la question de la loi dite “4D” nous souhaiterions formuler une proposition :
- Les conseils de surveillance des agences régionales de santé (ARS) vont évoluer vers des conseils d’administration. Au regard de la montée en compétence des SDIS en matière de secours et de soins d’urgence aux personnes, nous proposons que les PCASDIS relevant du territoire couvert par l’ARS siègent de droit au sein du CA de ces agences. Il est impératif que les élus des territoires prennent toute leur part dans la gestion de ces structures avec lesquelles les rapports sont encore trop souvent asymétriques.
Enfin, nous tenons à remercier au travers de cette assemblée les électeurs qui au sein des SDIS ont accordé au SNSPP-PATS la première place avec 27,1% des voix des sapeurs-pompiers professionnels, lors de la très récente élection du conseil d’administration de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités territoriales. C’est un succès remarquable qui renforce notre légitimité à proposer, à revendiquer et à construire au moyen d’une méthode difficile qu’est le dialogue, même si parfois, il peut être qualifié de rugueux.
Au nom du SNSPP-PATS, nous vous remercions.
Yannick TENESI
Yaël LECRAS